NOS RÉALISATIONS
Des histoires à partager
Récits de vie, biographies, histoire de quartier… Découvrez quelques unes de nos réalisations.
Se souvenir d'Élise
Élise est une ancienne agricultrice. Disparue depuis de nombreuses années, son histoire a été reconstruite à partir de témoignages de ses proches et des archives familiales.
Extrait :
"Élise n’est plus une jeune fille en fleur. Elle a vingt-quatre puis vingt-cinq ans. Autour d’elle, ses proches se marient, mettent au monde des enfants. Les exigences d’Alzir sont-elles seules à freiner les projets d’union ? Une photographie la montre dans les années 20. Elle se tient debout à côté d’une inconnue, une amie ou une cousine probablement. Derrière elles, un mur crépi couvert de vigne. Élise est endimanchée. Elle porte un chemisier et une longue jupe, sombres tous les deux, qui marquent sa taille. Dans le creux du cou, un bijou vient apporter une touche d’éclat. Élise serre une pochette dans sa main droite, une main épaisse et tannée de paysanne. Elle a abandonné la frange qui dévoile son front large. Si le même sourire discret étire les lèvres, le regard brun, en perdant sa timidité, s’est affirmé."
Les Mémoires de Georgette
Rédigée à partir d'entretiens, cette biographie lisse le langage oral tout en reprenant les expressions de la narratrice.
Extrait :
"Comme nous vivions dans un village, l’instituteur nous emmenait souvent dans les champs pour les leçons de choses. À partir du printemps, les sorties avaient lieu au moins une fois par semaine. Tout le monde partait en promenade, les grands comme les petits. Le maître nous enseignait les légumes, les herbes, les fleurs. On avait même un livre spécial pour les techniques agricoles. Je savais démêler la luzerne du sainfoin, du trèfle et toutes sortes de semences. Dans la forêt, on découvrait le nom des arbres grâce à leurs feuilles. Sa femme était payée par la commune pour donner des cours de couture aux filles deux fois par semaine. C’est avec elle que j’ai appris à tricoter et à coudre. Certaines de mes camarades étaient caïds mais pas moi, car la couture ne m’intéressait pas. J’aurais préféré le travail manuel que l’instituteur enseignait aux garçons."
Les Chuchotantes
Dans cette biographie romancée, le récit vient combler les silences du passé avec des éléments fictionnels.
Extrait :
"Gertrude prit de la farine dans la maie et la mélangea avec le lait. Ses gestes lents trahissaient la lassitude qui ne la quittait plus. Son dos la faisait souffrir, sans compter la douleur lancinante qui partait du postérieur pour descendre dans la cuisse. Au moindre effort, elle soufflait autant que les chevaux à la charrue. Et les fichues jupes qui la serraient ! Elle avait même dû découdre ses chemises pour loger les débordements de son corps, le ventre bien sûr, mais aussi les seins qui avaient doublé de volume.
Elle désirait que le bébé sorte, qu’elle n’ait plus à porter cet être distinct qui pillait son énergie. Mais plus encore, elle redoutait l’accouchement imminent. Quand elle y pensait, le soir avant de s’endormir, cela lui provoquait des tremblements nerveux.
Brisée par les souffrances endurées au cours des trois premières délivrances, Gertrude s’était crue dans l’antichambre de la mort. Pourtant, elle n’avait pas à se plaindre ; il n’y avait pas eu de complications, pas de fièvre et surtout pas d’hémorragies qui emportaient tant de femmes. Mais pouvait-on se fier à la chance si capricieuse ? Gertrude en doutait, tout comme elle doutait de survivre cette fois-ci ; à 32 ans, la vivacité des jouvencelles l’avait abandonnée, elle le devinait à la fatigue qui la prenait plus souvent. Alors, elle s’était mise en règle avec Dieu, elle assistait aux offices, se confessait, ses pâques étaient faites ; toutefois, elle n’était pas pressée de rejoindre le ciel."
Récompensé par le prix Plume de Vair 2023, Les Chuchotantes est disponible chez votre libraire ou en ligne.